Le maire de Givors, Martial Passi, en route vers le tribunal correctionnel ?

Le maire de Givors, Martial Passi, en route vers le tribunal correctionnel ?

Le maire PCF de Givors, Martial Passi, a été placé en garde à vue début mai sans que l’information ne fuite. Il est visé depuis de longs mois par une enquête préliminaire pour prise illégale d’intérêts, faux et usage de faux, comme l’évoquait Lyon Mag en décembre 2015. L’enquête p

Début mai, le maire PCF de Givors et vice-président de la Métropole de Lyon en charge des transports a été placé en garde à vue dans les locaux de la brigade financière de la PJ. Une garde à vue restée totalement confidentielle. Même des proches collaborateurs du maire de Givors n’en ont rien su.

 

M. Passi a été auditionné une douzaine d’heures sur les conditions de recrutement de sa sœur, Muriel Goux, au poste de directeur général des services, un poste au sommet de la hiérarchie des fonctionnaires dans une collectivité territoriale. Mme Goux a également été placée en garde à vue le même jour que son frère.

 

L’enquête avait démarré en août 2015 sur la base de plusieurs documents transmis à la justice par le conseiller municipal d’opposition, Mohamed Boudjellaba, véritable lanceur d’alerte dans cette affaire.

 

Cumul interdit

La justice soupçonne alors le maire de Givors de faux, d’usage de faux et de prise illégale d’intérêts et de recel de prise illégale d’intérêts s’agissant de la sœur de Martial Passi.

 

Consulté par Lyon Mag, le dossier fait en effet apparaître une procédure manifestement tronquée destinée à tout mettre en oeuvre pour nommer coûte que coûte la sœur de M. Passi au poste de directrice générale des services de la ville.

 

Alors qu’elle est encore sa  directrice de cabinet, Martial Passi annonce son intention de la nommer directrice générale des services en juillet 2014 afin de faire l’interim après le départ du précédent DGS qui a été remercié par le maire : "Face aux dysfonctionnements parfois graves, aux problèmes récurrents de non réponse à la population et d’absence ou de non respect des procédures dans certains services, j’ai demandé à la directrice de cabinet [Muriel Goux, ndlr.] de prendre en charge jusqu’à la fin de l’année la Direction Générale des services".

 

Or, le cumul des fonctions de directeur de cabinet et de DGS est formellement interdit par la loi qui proscrit l’exercice d’un emploi de fonctionnaire permanent et de membre de cabinet par une même personne. L’article 2 du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des collectivités territoriales  est en effet suffisamment explicite : « La qualité de collaborateur de cabinet d'une autorité territoriale est incompatible avec l'affectation à un emploi permanent d'une collectivité territoriale".

 

Pour le maire de Givors, ce n’est pas parce que Muriel Goux est sa sœur qu’il a choisi de la nommer à ce poste : « il ne s’agit évidemment pas de ma sœur, mais d’un cadre de la fonction publique territoriale en poste à Givors depuis 15 ans. Dans un contexte très particulier, qui mettait en péril le bon fonctionnement de l’administration communale, j’ai privilégié l’intérêt général en demandant à la directrice de cabinet de veiller à ce que l’administration respecte la mise en œuvre du plan de mandat. La procédure de recrutement qui a été mise en place par la suite a parfaitement respecté les règles applicables en la matière » plaide sans sourciller Martial Passi.

 

Procédure viciée

Pourtant, tout en annonçant qu’il lance la procédure administrative obligatoire pour le recrutement d’un fonctionnaire, Martial Passi annonce qu’il souhaite nommer sa sœur à la fin de ladite procédure :  « Nous entamons aujourd’hui une nouvelle dynamique que nous devrons mener avec une nouvelle équipe. Le conseil municipal d’octobre sera informé de la fin des emplois de DGS (…). A la fin de la procédure administrative, je nommerai Muriel Goux au poste de DGS" écrit Martial Passi en septembre 2014 dans le journal interne de la ville.

 

Curieuse procédure tout de même, celle qui consiste à annoncer le lauréat avant même le lancement – pourtant obligatoire – d’une déclaration de vacance de poste auprès du centre de gestion de la fonction publique destinée à garantir le principe d’égalité d’accès de tous aux emplois publics. L'annonce de la nomination de la soeur du maire semble bien indiquer que la procédure de nomination de Muriel Goux paraissait viciée dès l’origine.


Faux ?

Martial Passi ne s’embarrasse pas de ces tracas administratifs. Pas plus qu’il ne souhaite être ennuyé avec les documents officiels. En effet, il n’a pas hésité à signer un faux arrêté de nomination de sa sœur au poste de DGS en date du 22 janvier 2015.

 

Pourquoi cet arrêté est faux ? Parce qu’il mentionne un avis  de la commission administrative paritaire (CAP), qui est obligatoire pour ce type de nomination, qui n’existe pas à la date de l’arrêté du 22 janvier 2015 signé par le maire. La commission ne s’est réunie en effet que le 30 mars 2015 pour donner son avis sur le recrutement de Muriel Goux. Donc le 22 janvier 2015, cet avis ne pouvait exister.

 

Martial Passi est alors contraint, le 30 avril 2015, de prendre un nouvel arrêté pour annuler le précédent daté du 22 janvier 2015, jugé « illégal ». Ce qui ne l’empêchera pas de signer le même jour, le 30 avril 2015, un nouvel arrêté de nomination en bonne et due forme cette fois.

 

Procédure contradictoire avant un procès ?

Mais plutôt que d’évoquer un faux, Martial Passi préfère accabler son administration : « il ne s’agit nullement d’un faux, mais d’une erreur administrative. L’avis de la CAP a été demandé en temps utile, mais l’arrêté, préparé et rédigé par l’administration, a été signé avant le retour de cet avis. Je souligne que ce n’est pas un cas isolé car les services administratifs avaient déjà fait la même erreur dans le passé pour d’autres cadres communaux. Nonobstant cette erreur, l’arrêté a été validé par le contrôle de légalité de l’Etat le rendant donc légal et exécutoire ».

 

A ce jour, Muriel Goux occupe toujours le poste de DGS à la ville de Givors. Pour la justice, l’infraction de recel de prise illégale d’intérêts perdure, ce qui agace les magistrats en charge du dossier. Selon nos informations, le frère et la sœur devraient être obligés de s’expliquer devant le tribunal correctionnel et pourraient recevoir prochainement une convocation par officier de police judiciaire (COPJ). Mais avant cette étape, le parquet pourrait permettre à Martial Passi de faire un certain nombre de demande d’actes afin de démontrer sa bonne foi dans ce dossier.

 

Par ailleurs, un rapport de la chambre régional des comptes est attendu sur la situation de Givors. L’avis des magistrats financiers sur le recrutement de la sœur du maire sera alors suivi avec le plus grand intérêt.

 

Slim Mazni