Les curieuses notes de frais du maire de Givors

Les curieuses notes de frais du maire de Givors

Martial Passi représente bien sa ville.

Trop, selon l’opposition. Le 17 novembre dernier, Mohamed Boudjellaba déposait plainte auprès du procureur de la République, dénonçant des incongruités dans les frais de représentation du maire PCF de Givors.

 

Premier sujet d’étonnement : l’état des dépenses enregistrées dépasse de 4 089,48 euros le montant voté par le conseil municipal dans le compte administratif. Comment peut-on dépenser plus que le budget ? Le détail pour l’année 2015 relève de la poésie de Prévert. On découvre un Martial Passi en véritable fashionista, client de : Armand Thiery, Jules, O’Grant, Father&Sons, Charles, Zara, La Canadienne. Prenant soin de sa personne : JF Parfumerie (5 fois), Passion Beauté. On ne saurait reprocher à un maire d’être à son avantage lors de ses apparitions publiques. D’autres vont jusqu’à se teindre les cheveux. Ce n’est pas le cas de Martial Passi. Ce serait gâcher.

 

On ne saurait reprocher à un élu ses nombreuse notes de restaurant, dans la métropole lyonnaise c’est le contraire qui paraîtrait inconvenant. On reste plus circonspect sur le double achat à la Canadienne le 22 décembre pour 389 euros et 560 euros, fourrures, cuirs ? Mais après tout, rien n’empêche le maire de Givors d’envisager un voyage d’étude en Antarctique aux approches de Noël.

La lecture des notes de frais révèle encore d’autres surprises. Un achat chez Cartier le 14 février jour de la Saint Valentin pour 105 euros. Une note un peu appuyée le 21 août : des denrées alimentaires chez Uniferme pour 355 euros et chez Intermarché pour 109 euros. Ça n’aurait pas grande importance si ça ne correspondait pas à l’anniversaire de Madame Passi. Il n’en faut pas plus pour enflammer l’imagination, comme cet achat de 61,44 euros le 9 avril chez Maxi Toys correspondant à "un costume de princesse" et celui de vins et spiritueux pour 123 euros à Cannes Mandelieu chez un caviste dont un petit doigt indiscret affirme qu’il s’agit du fils du maire.

 

Y aurait-il utilisation privée d’argent public ? Un brin agacé par tant de sollicitude comptable, Martial Passi tient à répondre point par point. Cartier ? C’est le chapelier du passage de l’Argue où il a acheté une casquette et des gants ! Moins éternels que le diamant mais tellement plus chauds en hiver. Le costume de princesse ? Il était destiné à "une enfant du Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile" dont la famille était accompagnée par la mairie.

Les achats de denrées alimentaires le 21 août ? "Deux fois par an, chaque année, j’organise et j’offre un repas à différents élus et acteurs publics et privés". Et ce n’est quand même pas de sa faute si ça tombe le même jour que l’anniversaire de sa femme.

Quant à Cannes Mandelieu. Il est allé y faire un voyage d’études pour explorer les caméras de "vidéo-verbalisation". C’est pour remercier les personnes qui l’ont accueillies qu’il a acheté ces bouteilles. Et Martial Passi précise : "Par ailleurs, mon fils n’est pas propriétaire mais salarié dans ce commerce de vente de vin". Toujours trop pudique sur les questions familiales, le maire de Givors oublie de se souvenir que son fils Thomas a épousé la fille du patron (Magali Thevenet-Passi) qui se trouve être associée-gérante de la Cave du Château.


Surtout, Martial Passi dément : non, il n’y a pas eu de dépassement de budget, tout ce qui est au-dessus de la somme prévue, les 4 089,48 euros supplémentaires, "c’est pour ma pomme". C’est donc lui qui a bien payé de sa poche les 10 fois 30 euros de "participation mariages" et les plus 10 fois 20 euros de "participation décès". Car à Givors, on ne meurt pas sans l’aide de la mairie. Le budget "frais de représentation" semble bien avoir été voté dans les règles, versé deux fois par an et assorti de notes de frais qui ont été conservées.

 

On remarque au passage qu’il est tout de même assez généreux. Dans son livre Chers Élus, ce qu’ils gagnent vraiment, Vincent Quivy note que la maire de Marseille dispose de 52 600 euros par an et celle de Paris, la moitié soit 26 000 euros. Givors est donc la moitié de Paris. Les textes précisent que les indemnités de représentation du maire couvrent les dépenses opérées "à l’occasion de ses fonctions et dans l’intérêt de la commune". Toutefois elles doivent correspondre "à un besoin réel et ne (peuvent) constituer un traitement déguisé". Dans le cas contraire, elles devraient être intégrées à l’indemnisation du maire et soumises à impôt et cotisations.

 

C’est tout l’objet du litige que le procureur de la République devra trancher ou classer sans suite. Bien difficile de savoir si les dépenses entrent strictement dans ce cadre légal. Ni de séparer ce qui relève du mandat de maire de Givors et ce qui relève de la fonction de vice-président du Grand Lyon et qui ne saurait être supporté par la commune. Mais de ce point de vue-là Martial Passi nous rassure : "être maire de Givors, c’est être jour après jour, et 365 jours dans l’année..."

Ce qui, on l’aura compris, ne lui laisse pas un instant pour assumer des fonctions de vice-président métropolitain. Et donc d’occasionner des frais.