Euronews : une crise identitaire dangereuse ?

Euronews : une crise identitaire dangereuse ?

Depuis quelques semaines, la chaîne d’informations Euronews connaît des rebondissements décisifs et historiques. Alors que la direction négociait son plan de sauvegarde de l’emploi avec les syndicats, mais aussi l’arrivée au capital de NBC News, une partie de la rédaction s’est lancée dans un mouvement social qui pourrait avoir

Cette semaine, le vote électronique d’une motion de défiance était organisé, sans l’appui des  principaux syndicats. Sur plus de 800 salariés recensés , plus de 430 inscrits, parfois malgré eux,  291 votants, répondant à la question "Faites-vous confiance à la direction ?". Ainsi, au final , 205 personnes ont voté "non", 34 "oui" et les 52 autres ne se sont pas prononcés.

Parmi les contestataires bien sûr, les victimes du PSE validé par les syndicats sauf FO, comme les Ukrainiens qui voient leur département fermer et leurs emplois supprimés ou bien les Iraniens et les Arabes qui ont peur de perdre de la visibilité à l’antenne.

 

A contrario, un contre-mouvement s’est créé à la rédaction d’Euronews, avec la manifestation de près d’une centaine de salariés jeudi, dénonçant la dangerosité de la grève pour les deals négociés en ce moment par la chaîne.

Journalistes divisés, grévistes en pleine crise identitaire, la situation est particulièrement plus complexe qu’il n’ y parait .

 

Next, l’objet de tous les espoirs et de toutes les peurs

Car Euronews est à un carrefour. Entre 2003 et 2012, une stratégie d’expansion a permis la création de nombreuses langues financées. Un cercle vertueux qui a dynamisé l’emploi et conduit au déménagement d’Ecully à la Confluence. Mais qui arrive à son terme.

Aujourd’hui, la situation est devenue plus complexe. Pour Euronews, mais aussi pour tous ses concurrents qui baissent leurs effectifs de 30 à 40% comme BBC World ou Al-Jazeera. Le marché publicitaire décline, l’offre digitale dévore tout sur son passage, les coûts augmentent…

 

Michael Peters, président du directoire d’Euronews, conscient de cette situation s’était alors lancé dès 2011 dans une croisade : convaincre tous les actionnaires qu’il fallait changer la façon de faire à Euronews, qui devait s’ouvrir au reste du monde qui aime et idéalise tant l’Europe. D’où l’arrivée en 2015 d’un actionnaire majoritaire égyptien, Naguib Sawiris, et la promesse de lancer Euronews Next, un grand chamboulement pour la rédaction et le contenu éditorial de la chaîne. Davantage de digital, de plateaux, des horaires de travail différents… pour être "en adéquation avec la chronologie de consommation de l'information", avait indiqué Michael Peters lors de la présentation de Next.

 

Autant de paramètres qui font qu’une partie de la rédaction a pris peur. Peur de perdre à jamais l’ambiance familiale qui régnait à Ecully avant le déménagement. Peur que l’ADN européen n’explose. Peur d’un avenir commercial pour leur chaîne. "Que restera-t-il de la vision originelle si Euronews devient une antenne de NBC en Europe", questionne Force Ouvrière, le seul syndicat à soutenir les craintes des frondeurs. Selon eux, Next est "rempli d’improvisation et d’amateurisme". C’est pourquoi certains  ont directement contacté NBC News pour les dissuader d’investir dans ce projet que les Américains avaient pourtant trouvé intéressant  au point de le soutenir. La commission européenne, premier partenaire historique d’Euronews, a également été convaincue par Euronews Next .

 

"Ce genre de pratiques nous scandalise. Car ce ne serait plus quelques emplois supprimés mais potentiellement la fermeture de l’entreprise, ce que nous n’acceptons pas", déclare le collectif de salariés Not in my name, créé pour contrer le mouvement initial.

Car si Next ne se fait pas, Euronews pourrait être obligée à terme de faire comme les autres : licencier 20 à 40% du personnel. Voire de mettre la clé sous la porte si NBC ou la Commission européenne se retiraient de l’aventure.

 

C’est dans ce contexte très serré que la direction d’Euronews continue de négocier avec NBC News. L’actualité sociale ne réjouit pas les Américains. Autant dire que le conseil de surveillance du 16 décembre risque d’être électrique, certains actionnaires devraient faire part de leur agacement et réclamer de la fermeté vis-à-vis de ceux qui mettent à mal l’avenir de leur chaîne.